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mardi 2 janvier 2018

Incipit (s)

Bien des auteurs ont du mal à trouver la (ou les) première(s) phrase(s) de leur œuvre. Un excellent exemple en est donné, si ma pauvre mémoire ne me trahit pas, Par M. Camus dans un de ses hilarants romans intitulé La Peste (ou était-ce Le Choléra?). Eh bien figurez vous que j'ai le problème inverse. Si je ne rencontre aucune difficulté à trouver un titre et un incipit susceptibles de capter l'attention du lecteur le plus réticent, je ne trouve ensuite plus rien à dire. C'est pourquoi la Bibliothèque de la Pléiade me boude. L'âge venant, je me suis résigné à ne jamais parvenir à mener à bonne fin la rédaction du moindre roman ou d'une quelconque nouvelle. Cependant, vue leur qualité, je m'en voudrais de disparaître sans avoir publié quelques unes de ces phrases. Je le fais donc aujourd'hui. Peut-être qu'un de mes lecteurs, pourvu d'un souffle épique supérieur au mien, saura leur donner une suite digne d'elles...

Du quai d'une gare de Châteauroux dont la façade brillait de mille feux en cette période de Noël Sébastien Choumard, portant une valise en peau de porc fatiguée par les voyages, monta dans le wagon numéro quatre de l'express Paris-Limoges. (Retour à Limoges)

Une Juvaquatre noire dont les portières avant portaient, peinte à la hâte en blanc, une croix de Lorraine s'arrêta dans un crissement de freins suraigu devant le domicile du chef local de la Milice. Trois hommes en bondirent, mitraillette au poing. (Libérer Limoges)

En cette année 1897, la rue de La Roussette, était encore de celles où les hommes se rendaient seuls la nuit venue, non sans jeter alentour force regards furtifs de crainte qu'on ne les y surprît. Quelques lanternes rouges dissipaient les derniers doutes qu'aurait eu un étranger à la ville quant aux activités qui s'y pratiquaient. (Dans les rues chaudes de Limoges)

« Alors comme ça, petit saligaud, tu couches avec ma nièce ? » Léonce Traverteau tenta de se faire tout petit dans le fauteuil que lui avait prié d'occuper, une minute auparavant, d'un air faussement bonhomme, le père Chartier dont la physionomie avait soudain pris une apparence bien moins amène. (L'oncle de Limoges)

Longtemps, je me suis levé de bonne heure. Parfois, à peine mes yeux ouverts, j'allumais ma bougie si vite que je n'avais pas le temps de me dire : « Je me réveille. » (Matins limougeauds)

Certaines femmes réfléchissent longuement avant d'oser pousser la porte d'une boulangerie. « Achèterai-je une baguette ? Un pain de deux ? Un bâtard ? », ces questions les paralysent. Babette savait ce qu'elle voulait et d'une voix musicale mais ferme, elle commanda deux croissants. (Viennoiseries de Limoges)

« Mais que ferais-tu à Limoges, bougre d'âne ? Tu crois qu'on y manque de traîne-savates dans ton genre ? Non, crois-moi, reste à Romorantin ! Là est ta vie ! » Ces paroles de son père le hantaient. En fait, elles avaient constitué un puissant frein à ses ambitions. Alors que la dépouille de cet homme bourru venait d'être descendue en sa dernière demeure et qu'il jetait la première pelleté de terre sur son cercueil il réalisa que la mort de cet être cher était pour lui synonyme du début d'une vie nouvelle. (L'appel de Limoges)

Certains auront remarqué que bien des titres font allusion à la ville de Limoges. Il ne s'agit aucunement d'un hasard mais du désir délibéré d'encrer mon œuvre dans un terroir et ceci parce que l'enracinement local est un moyen d'atteindre l'universel comme l'ont montré Pagnol, Faulkner et bien d'autres. Vu qu'à ma connaissance peu de romans majeurs avaient pour cadre Limoges, j'avais décidé d'en faire mon comté de Yoknapatawpha. Si d'éventuels continuateurs lui préféraient une autre ville ou une autre région, je ne leur en tiendrais pas grief.

11 commentaires:

  1. À Limoges se situe déjà (en partie au moins) Le Curé de village de ce cher Honoré.

    Cela dit, j'ignorais qu'il y eut plusieurs gares à Châteauroux.

    Enfin, vous me ferez le plaisir d'aller dans les meilleurs délais rendre son chapeau au i de votre "surprit" (troisième incipit).

    Ce sera tout pour le moment.

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    1. 1) Quand on se sent porteur d'une grande œuvre, pourquoi ce soucierait du lieu où des écrivains mineurs ont situé une de leurs piètres intrigues ?

      2) "D'un Balzac dont l'esprit était hanté de rêves de gloire, peut-on s'étonner qu'il ait créé Rastignac ?" Croyez-vous qu'en écrivant cette phrase je suggère qu'il ait existé une multitude de Balzac ?

      3)Vos ordres étant des désirs (et vice-versa)j'ai corrigé ma monstrueuse erreur.

      J'attends la suite.

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    2. Parlant de chapeau, ne pensez-vous pas que votre "qu'il y eut" gagnerait en élégance en en portant un ?

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    3. Cela dit, je ne plie pas pavillon à propos de Châteauroux. La construction de votre phrase n'est pas la même que celle avec "d'un Balzac…" et implique bel et bien qu'il y ait plusieurs gares à Châteauroux. Même si je ne saurais le démontrer à la manière d'un distingué grammairien.

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    4. J'ai fait des recherches afin de vous prouver par A + B que ma phrase était correcte et ne sous-entendait pas que la puissante cité de Châteauroux (où j'ai eu le bonheur de vivre sept années) ait eu plusieurs gares. Mais en vain. Il arrive que certaines tournures prêtent à diverses interprétations sans que l'une exclue nécessairement les autres. Par exemple dans un passé pas si lointain, je me souviens qu'un excellent blogueur avait ainsi transformé deux éminents juristes en infâmes pochtrons sans qu'on ait pu lui donner vraiment tort.

      Pour résoudre un tel conflit, je ne vois que deux solutions : soit réunir un jury d'incontestables abitri elegantiarum de la langue française qui statueraient à l'abri de toute pression, soit organiser une rencontre sur le pré dont le vainqueur se verrait donner raison.

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    5. Une rencontre autour de quelques flacons m'agréerait davantage…

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    6. Oh, je n'aurais contre ça mais est-ce que ça résoudrait ce délicat problème grammatical ?

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    7. Non, mais après trois ou quatre bouteilles, on risque de le relativiser méchamment.

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  2. Malgré sa place des Quinconces et les vieux quartiers qui l'environnent, je n'aime pas Bordeaux. Du temps où j'y allais pour affaires, je faisais étape dans le Lot afin d'éviter d'y passer la nuit.

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  3. Pardon de me mêler de ce qui au fond ne me regarde pas bien qu'un écrivain appartienne à ceux qui le lisent, mais il me semble que Didier Goux ait raison.
    Il s'agit d'une gare parmi d'autres, comme il aurait pu prendre un verre (le héros, pas Goux !).
    En revanche je vous propose trois autres remarques,
    - Comment peut-on monter dans un train Paris-Limoges si l'on se trouve à Limoges ?
    - La SNCF s'échine à le dire, au point de ne plus avoir le temps de faire autre chose, mais les passagers montent dans des voitures (encore qu'à l'époque ...) et non dans des wagons.
    - Et enfin il est encore temps de retirer (en vous excusant) cette valise en peau de ...., dont on voit bien que la matière n'a pas été choisie au hasard, et de remplacer ceci par un bagage en carton, en plastique, en bois, ce ne sont pas les matières qui manquent, car un train doit être accessible à tout le monde si le train de 16h54 Limoges-Paris peut être réservé pour le transport d'un Hollande.
    Nous vivons une époque où les croix (fussent-elles de Lorraine) voyagent en troisième classe ou, mieux, dans des wagons plombés.
    J'attends avec impatience les chapitres suivants sur ce Limoges si méconnu.

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